
C’est dans les vieilles casseroles qu’on fait les meilleures soupes. À l’ère du recyclage et de l’upcycling, l’extrême-droite et les nationalistes se sont offert une cure de jeunesse, dissimulant leurs vieux dogmes sous une sémantique plus moderne.
Ne dites plus « gauche » ou « droite », mais « bon sens » (si vous en doutez, c’est que vous en manquez). Ne dites plus « l’immigration est un problème », mais « nous avons le droit d’être chez nous ». Osez vous y opposer et vous serez taxé d’ennemi de la liberté d’expression.
A l’ère de la post-vérité et du délitement des responsabilités, cette rhétorique simpliste prospère, portée par une communication habile qui confère aux nationalistes et populistes une image de force et de pragmatisme. Ils savent pourtant que leurs promesses sont fallacieuses, et flattent leur auditoire en jouant sur des peurs légitimes, mais face auxquelles leurs solutions sont aussi simplistes que inefficaces, comme l’histoire nous l’a déjà démontré.
Vous en doutez ? Les forces d’extrême-droite sont pourtant déjà bien à l’œuvre contre les étrangers, les femmes, les LGBTQIA+: En Italie aujourd’hui, des groupes anti-IVG harcèlent les femmes dans les cliniques. En Pologne l’IVG est tout bonnement interdite. En Hongrie, les LGBTQIA+ sont qualifiés d’«ennemis de l’intérieur» et privés d’adoption. En Italie toujours, des mères sociales se voient retirer leur parentalité.
Mais en Belgique rassurons-nous, « ce n’est pas pareil » puisque “nous avons la N-VA pour faire barrage contre l’extrême-droite”.
Cette dédiabolisation du nationalisme a permis à un parti dont l’idéologie a été fondé dans le creuset de la collaboration d’accéder au pouvoir, jusqu’à la fonction de Premier ministre. Beaucoup ne perçoivent plus le danger d’un nationalisme dissimulé sous un projet socio-économique prétendument responsable. Qui s’indigne encore du portrait de notre Premier ministre aux côtés de Giorgia Meloni (post-fasciste), Petr Fiala (droite conservatrice), Mateusz Morawiecki (PiS, nationalisme polonais), Marion Maréchal (extrême droite française) et George Simion (extrême droite roumaine)? Oui, ceux-là même qui contribuent au climat orwellien évoqué plus haut.
Car racisme et nationalisme sont les deux faces d’une même pièce. Le nationalisme trace une frontière entre « nous » et « eux », hiérarchise les identités, et désigne l’immigration comme une menace. La N-VA ne fait pas autre chose qu’instiller une xénophobie larvée.
Il y a vingt ans, je me suis engagé en politique parce que je croyais en Bruxelles, Ville-monde, et en sa richesse multiculturelle et par voie de conséquence, pour combattre le nationalisme et ses dérives immanquables. Aujourd’hui, comme nombre de démocrates, je constate avec inquiétude l’essor de ces idées, sous couvert de liberté d’opinion ou de « bon sens » nationaliste.
Les thèmes et la rhétorique de l’extrême-droite imprègnent le débat public, délitant peu à peu le cordon sanitaire mis en place après-guerre pour des raisons évidentes. Les frontières idéologiques s’estompent avec l’arrivée d’anciens cadres de l’extrême-droite au sein de la droite assumée du MR et de la N-VA.
Je refuse de céder, d’accepter ou de capituler face à ce nationalisme. Comme l’écrivait Stéphane Hessel : « La pire des attitudes est l’indifférence. » L’indignation et l’engagement sont des piliers de mon action politique.
C’est cette indignation contre le nationalisme qui m’a conduit à DéFI. Or, je me dois de constater que ce principe fondateur n’est plus aujourd’hui unanimement partagé voire n’est plus une valeur cardinale du parti. La banalisation du nationalisme, les appels à collaborer avec la N-VA, comme évoqué récemment sur LN24 par l’ancien juge Michel Claise, et les hésitations internes ne sont que les symptômes d’un renoncement progressif.
Les forces mortifères, celles-là mêmes qui ont conduit à la crise interne, à la perte de clarté dans le message, et à la déliquescence de nos valeurs fondatrices, sont toujours à l’œuvre. Le départ de l’un des fondateurs n’aura pas suffi à provoquer un sursaut moral ou une refondation basée sur des valeurs claires et partagées. Or, si DéFI veut survivre, ce ne peut être par un simple toilettage de communication, mais par une réaffirmation de principes intangibles.
Aujourd’hui, je constate que je ne partage plus le socle de valeurs nécessaire à un projet politique commun avec DéFI.
Quoi qu’il m’en coûte, je ne peux me résoudre à cette capitulation morale aux profit de calculs aussi court-termistes qu’égotiques. Mais aussi fallacieux car comme l’écrivait Camus: « Faute de valeur supérieure qui oriente l’action, on se dirigera dans le sens de l’efficacité immédiate (…) Le monde alors ne sera plus partagé en justes et en injustes, mais en maîtres et en esclaves. ».
Pour me sentir à nouveau libre de conscience, de parole et d’action, je prends aujourd’hui la décision, non sans regret, de me retirer de DéFI pour continuer, précisément comme je l’ai toujours fait, à combattre l’idéologie destructrice du nationalisme.